La loi ELAN signifie « Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique ». Cette loi plutôt générale est destinée à encadrer et améliorer les conditions de logement. En ce qui concerne le secteur de la construction, elle impose un grand nombre de nouvelles règlementations.
La géotechnique intervient au commencement d’un projet de construction. Elle est donc forcément impactée par ces règles qui comportent quelques avantages et beaucoup d’inconvénients.
Rappel : Loi ELAN et construction
Pour les géotechniciens, la principale règlementation à retenir de la loi ELAN concerne les 3 arrêté du 22 Juillet 2020. Ces arrêtés ont été publiés successivement à l’été 2020 sur le journal officiel :
- Le 1er arrêté du 22 Juillet est paru le 6 Août : il déclare qu’une étude de sol doit être effectuée dans les régions sensibles au retrait gonflement.
- Le 2ème arrêté du 22 Juillet a été publié le 9 Août : il précise les endroits et les zones impactées par le 1er volet.
- Le 3ème arrêté du 22 Juillet a été publié le 15 Août : il traite des techniques de construction pour les zones exposées au phénomène de retrait gonflement.
Loi ELAN : un avantage ?
Si la loi ELAN a un avantage, c’est bien celui de mettre en lumière un problème que les géotechniciens rencontrent régulièrement dans le cadre de leurs études de sol : les argiles gonflantes.
L’argile est une matière naturelle très diverse et abondante dans le sol. À la fois meubles et plastiques, les argiles s’hydratent et se rétractent en fonction de leur teneur en eau. Cela créé énormément de désordres sur les habitations dont les fondations reposent sur des sols argileux. On appelle ce phénomène géologique le retrait-gonflement.
S’il est minime sur une année normale, ce phénomène de retrait-gonflement est très destructeur pour les périodes de sécheresse intenses. Ces dernières années, on note d’ailleurs une augmentation des épisodes de sécheresse impliquant un grand nombre de sinistres.
Les constructeurs de maisons individuelles, et notamment les maçons, ne comprennent pas vraiment ce phénomène. Les géotechniciens, eux, le connaissent bien. La loi ELAN demande donc aux constructeurs de rendre leurs constructions plus rigides pour pallier ce problème des argiles. Cela revient d’une certaine manière à promouvoir l’importance de l’expertise géotechnique. Oui, mais…
Loi ELAN : quel inconvénient ?
Parmi les règles imposées aux constructeurs de maison individuelle, la loi ELAN rend obligatoire la réalisation d’une étude sol avant la vente d’un terrain. Cette étude passe par une mission qu’on appelle G1 PGC (Principes Généraux de Construction).
On pourrait croire que les ingénieurs géotechniciens se réjouissent d’une telle obligation. Pourtant, beaucoup de professionnels regrettent que la loi propose une solution trop simple à ce problème très complexe des sols argileux.
Par exemple, cet aspect « forfaitaire » de la loi ELAN renvoie une image tronquée de la géotechnique. En faisant fît de la complexité et des nuances que peut revêtir une étude géotechnique de qualité, la loi passe sous silence sa responsabilité et l’exigence de son expertise sur un projet de construction en termes de stabilité et de sécurité.
La Loi ELAN propose de consulter une carte des zones à risques, disponible sur le site Géorisques.fr. Cette carte de France répertorie en effet les zones de la métropole dont le risque de sécheresse et de réhydratation des sols argileux est de moyen à fort.
Théorie vs Terrain
Ces zones indiquent le niveau de risque à un instant T. Elles sont calculées par rapport au sol, mais aussi au nombre de sinistres déclarés. Autrement dit, si une commune a beaucoup de sinistres, elle peut être classée zone à risque moyen à fort. Bien qu’utile, on voit bien que cette carte n’est qu’un outil qui ne peut pas rivaliser avec la réalité et la précision du terrain.
En effet, une étude géotechnique inclut des sondages qui sont fondamentaux car ils donnent une 1ère photo du sol bien plus précise qu’une carte interactive. Cette précision liée au terrain permet d’adapter une maison individuelle au sol de sa parcelle. Beaucoup de professionnels de géotechnique regrettent que la loi ELAN ne mentionne pas cette réalité, au profit de techniques simplifiées, certes rassurantes mais éloignées du terrain.
Avec l’évolution du climat, les régions qui sont plutôt pluvieuses et qui ne subissent pas encore de sécheresse peuvent devenir des zones où il y aura plus de sécheresse et qui deviendront plus sensibles. Ainsi, la carte actuelle n’est pas représentative des aléas futures.
À contrario, le géotechnicien peut anticiper cette éventuelle évolution climatique. Sa capacité à identifier des sols plutôt argileux lui permet de préconiser des fondations plus profondes qui prémuniront une construction du risque de retrait-gonflement, indépendamment de l’évolution de la météo.
Loi ELAN : risques et conséquences
Le risque de suivre aveuglément les solutions théoriques préconisées par la loi ELAN est bien sûr que la construction ne soit pas adaptée au sous-sol. Autrement dit, on surestimera le risque ou on le sous-estimera. Cette estimation sera faussée dans tous les cas. Elle pourra engendrer soit un surcoût, soit un risque de sinistre sur la maison qui sera construite.
Le géotechnicien réalise son étude de sol en fonction du contexte du terrain et non en fonction d’un arrêté. Les résultats qu’il obtient de ses sondages lui indiquent les démarches à suivre. Un ingénieur géotechnicien est un professionnel responsable. Il ne mettra pas en place les dispositions imposées par la loi ELAN s’il n’en a pas besoin. En revanche, s’il en a besoin, sa responsabilité l’amènera à peut-être encore plus les renforcer.
Prenons un exemple : un terrain est situé en zone à risque moyen. Le géotechnicien sait que ce terrain peut se trouver malgré tout sur un sol argileux qui est très sensible au retrait-gonflement. Admettons que la recommandation est de se fonder à 80cm de profondeur. Le géotechnicien pourra recommander de se fonder à 1m20. Même si la région ou la commune est classée comme risque moyen, le géotechnicien peut savoir si la parcelle est particulièrement sensible. Et inversement ! Pour une zone classée en aléa fort, le géotechnicien pourrait prescrire de se fonder à 80 cm et non à1m20, comme le stipulerait la loi ELAN !
Conclusion
L’arrêté de la loi ELAN qui concerne la géotechnique stipule :
« Il en ressort que le constructeur de maisons individuels devra, soit suivre les recommandations d’études géotechniques, soit respecter les techniques prescrites pour la construction dans le journal officiel ».
Nous pensons que ce choix proposé est pernicieux car le constructeur peut être tenté de ne pas suivre les préconisations du géotechnicien. Ne pas choisir l’option géotechnique pourra engendrer un surcoût pour le client en cas de fondation non adaptée ou de sinistre.
Nous aurions préféré que le texte déclare plutôt :
« Le constructeur devra suivre les recommandations de l’étude géotechnique. Le géotechnicien devra s’inspirer de cette carte afin de savoir si on est en zone particulièrement sensible. Il suivra les dispositions minimales en cas de risque avéré… ».
Pour cela, il aurait fallu que la profession soit sollicitée pour participer activement à la loi, ce qui n’a pas été le cas.